Littérature

Kessel et cet obscur objet du désir…

De Joseph Kessel, je ne connaissais que Le Lion, lu et étudié en classe de cinquième et que je ne pense pas avoir vraiment compris… bien que j’en garde un souvenir vaguement satisfait.
Aussi, après avoir lu plusieurs billets élogieux sur les romans de Kessel, notamment sur Les Cavaliers (très bon billet de Kali), je souhaitais découvrir l’œuvre de ce romancier et aventurier.

Belle de Jour
Joseph Kessel

1ère éd.: Ed. Gallimard, 1928
Ed. Folio, 2010

L’histoire, en quelques mots
Séverine a tout pour elle: c’est une belle jeune femme, blonde et vigoureuse, aussi séduisante que naïve, et elle aime Pierre Sérizy, son mari. Elle a tout pour elle, ou presque. Elle ignore le plaisir et ne parvient à s’ouvrir corps et âme à son mari. C’est alors qu’une amie lui révèle l’existence des maisons de rendez-vous, autrement nommées maisons closes. Et cette révélation perturbe Séverine plus que de raison, elle l’ébranle et la tourmente. Innocence perdue…

Trois bonnes raisons de lire Belle de jour:
L’élégance et la justesse du style de Kessel suffiraient à elles seules. Quel plaisir de lire un roman « bien écrit »! Les phrases s’enchaînent aisément, les mots sont percutants et, sans s’en rendre compte, le lecteur est happé dans la spirale infernale de Séverine. Le prologue livre une situation terrible, prémisse d’une souffrance à long terme et que Séverine aura du mal à assumer (parce que derrière la souffrance se cache un plaisir malsain?).
Les personnages principaux de cette histoire éveillent la sympathie du lecteur, que ce soit le mari désenchanté ou l’amant éconduit. Quant à Séverine, ou Belle de Jour, son destin pathétique ne peut que toucher le cœur humain. Séverine, Belle de Jour, deux identités mais une seule et même personne. Une femme qui se découvre et, dans son apprentissage d’elle-même, se fait violence, horreur.
L’anti-héroïne de ce roman porte sur ses frêles épaules l’essence de ce roman, à savoir la part d’ombre qui repose en chacun de nous, les noirs désirs acculés au fond de nos âmes. Chez Séverine, cette obscurité s’illustre dans la dichotomie de l’âme et du corps: si son coeur appartient à Pierre, son plaisir charnel, ses sens ne peuvent être à lui. L’Amour et le Plaisir ne se retrouvent pas et causent toute la souffrance de Séverine, d’autant que cette séparation des sentiments et de la chair est inavouable… Etre soi, tout en étant à deux. Long et difficile chemin… Et parce que derrière Belle de Jour ou ses clients, dans des situations plus ordinaires, chaque femme, chaque homme peut se retrouver, ce roman interroge avec violence notre âme… et son obscurité.

Extrait de la préface
Ce que j’ai tenté avec Belle de Jour, c’est de montrer le divorce terrible entre le cœur et la chair, entre un vrai, immense et tendre amour et l’exigence implacable des sens. Ce conflit, à quelques rares exceptions près, chaque homme, chaque femme qui aime longtemps, le porte en soi. Il est perçu ou non, il déchire ou il sommeille, mais il existe.

Ce court de roman de Kessel a été adapté au cinéma par Luis Bunuel (Jean-Claude Carrière ayant co-écrit le scénario). La très belle Catherine Deneuve, à 23 ans à peine, interprète Séverine Sérizy. Le film obtient le Lion d’or de Venise en 1967. Le film marque par sa distance, sa froideur, comme une machine infernale qu’on ne pourrait plus arrêter…

A noter également que le personnage a inspiré une call-girl londonienne: Journal d’une call-girl, également adapté à la télévision. Série sans grand intérêt, sans saveur, sans discours… (enfin, c’est mon avis.)

10 commentaires sur “Kessel et cet obscur objet du désir…

    1. Personnellement, je n’ai pas du tout accroché à la série, je l’ai trouvée insipide et racoleuse… Mais je suis peut-être un peu « vieux-jeu »! 😉
      En revanche, je te recommande le roman de Kessel, c’est d’une autre trempe!

  1. Le thème a l’air vachement intéressant : la séparation entre le coeur et la chaire.
    En tout cas, il fallait y penser. Je trouve que ça tombe bien avec notre époque où parfois, je vois des couples se former simplement par peur de rester seul.

    1. Je dirais même que c’est un sujet intemporel! Et Kessel déchiffre parfaitement les troubles qui peuvent agiter l’Homme…
      Je te recommande ce titre les yeux fermés! 😉

  2. J’avais beaucoup aimé l,écriture de Kessel dans « Le lion »… du coup, j’ai bien envie d’essayer celui-ci aussi. C’est un thème qui m,’intéresse, en plus.

    1. Si tu aimes l’écriture de Kessel et que le sujet t’intéresse, tu devrais aimer cette lecture!
      En plus, c’est un récit très court (qui peut donc facilement s’introduire dans les PAL!).

  3. Tiens voilà qui est intéressant… je ne connais presque pas Joseph Kessel hormis « le lion » et peut-être un ou deux titres que je reconnaitrais mais qui ne me viennent pas à l’esprit. Je le note, lorsque je vais avoir envie de lire un peu de littérature francophone classique il sera parfaitement approprié. Quant à la série, je ne suis pas hyper fan de l’actrice (j’aime bien mais il y a quelque chose qui me gêne avec elle) mais j’avais bien aimé les un ou deux épisodes vus et je projetais de voir l’ensemble de la série…

    1. Je n’ai vu que les trois premiers épisodes de la série et j’ai été rapidement lassée… Je l’ai trouvée un peu trop racoleuse et « vide » à mon goût. Peut-être suis-je un peu trop coincée…?
      Si tu la vois en entier, tu me diras si ça vaut le coup. Si ça se trouve, il faut avancer dans les épisodes pour que l’histoire « décolle »…
      Quoiqu’il en soit, je te recommande le Kessel! Une valeur sûre!

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