Littérature

Un oiseau vert a fait le printemps

C’est un peu par hasard que je suis tombée sur ce livre. Sa couverture  de plumes vertes a d’abord attiré mon regard, puis les éloges de la 4ème de couverture ont achevé de piquer ma curiosité. J’ai alors consulté la biographie de l’auteur et j’ai enfin fait le lien: c’est elle, Laura Kasischke, qui a écrit le fameux Rêves de garçons. C’est également ses romans que l’on compare à ceux de la non moins fameuse Joyce Carol Oates… Autant d’éléments qui ont fait que je n’ai pas hésité une seconde de plus à commander ce livre. Et j’ai eu bien fait! Très bien fait!

La Couronne verte
Laura Kasischke

Titre orig.: Feathered
Trad. anglais (Etats-Unis): Céline Leroy
Ed. Le Livre de poche, 2010 (1ère éd. française: Christian Bourgeois Editeur, 2008)

L’histoire, en quelque mots
Aux Etats-Unis, les vacances de Printemps constituent une sorte de « rituel ». Le passage du lycée à l’université. De l’adolescence à l’âge adulte.
Trois copines de Terminale, Terri, Michelle et Anne, décident de passer leurs vacances au Mexique. Loin de leur famille. Loin de leurs habitudes. Loin de leurs repères. Elles ne parlent même pas espagnol. Elles quittent pour quelques jours leur foyer sécurisé pour l’Inconnu. Et bien évidemment, ça dérape.

Trois bonnes raisons de lire La Couronne verte:
La construction du roman. L’auteur a eu la bonne idée de faire du roman un récit polyphonique. Ainsi, les chapitres, courts dans l’ensemble, font alterner les narrateurs, première et troisième personnes, et les voix de Michelle et Anne. Ce procédé permet alors d’approcher au plus près les personnages, de sentir leurs émotions, de « penser » avec eux et d’instaurer une attente, un suspense.
♥ Le suspense. Dès le premier chapitre, on sait que « les choses » tourneront mal. Le second chapitre le confirme. Puis, vient l’attente. Chaque chapitre qui passe précipite le lecteur dans l’attente. Que va-t-il se passer? Et lorsqu’on pense que la chute est proche, lorsque l’on croit avoir identifié le drame, on se trompe. Les loups ne sont pas ceux que l’on croit… Et la chute est sévère. Point de moralisme, point de mélodrame. Juste la souffrance. (En cela, je comprends et approuve la comparaison faite entre Kasischke et Oates: un style vif, parfois dur, et des sujets forts, parfois « tabous ».)
♥ L’atmosphère. Ce roman dégage une atmosphère très particulière: le lecteur, à l’instar des demoiselles, est balancé entre les hôtels de débauches estudiantines et la jungle, territoire luxuriant et hostile, emprunt de mysticisme. Deux univers radicalement différents qui perdent les personnages et le lecteur avec. Ces décors contrastés, qui font échos au Passé et aux rites ancestraux, permettent aussi de métaphoriser le passage de l’enfance à l’âge adulte. Ce sera le théâtre des « choix ».

En bref: Laura Kasischke met en scène des filles ordinaires pour revisiter Le Petit Chaperon Rouge… et offre un court roman d’apprentissage d’une grande intensité.

Prochain Kasischke à lire: A moi pour toujours.
D’autres avis sur La Couronne verte recensés chez Babelio, ou chez: Antoine, Brume, Clarinette, CoralieLecture-Ecriture, Livraire, Praline, SylvainValeriane, Virginie.

Extrait:

UN
Michelle
Il n’a rien d’humain. C’est un dieu. Il prend la jeune fille par les épaules. Ses plumes bruissent autour d’elle, mais il a une peau de serpent. Froide, coupante, irisée. Il lève le poignard. Elle n’a pas peur. Elle ne ferme pas les yeux. Après le pre mier coup porté, elle n’éprouve plus rien. Ni frayeur. Ni tristesse. Après le second, il plonge une main dans sa poitrine d’où il retire un oiseau au plumage bleu-vert le plus éclatant qu’elle ait jamais vu. L’oisillon vient de naître, mais il a toujours existé. Le dieu le laisse prendre son envol. Elle le regarde s’élancer dans l’azur, écoute son chant merveilleux. Il perd quelques plumes vertes qui retombent à ses pieds.

DEUX
Anne
Après, Terri raconta à tout le lycée qu’elle avait su depuis le début qu’il allait se passer quelque chose d’atroce pendant ces vacances de printemps.
Elle expli qua que déjà dans l’avion, au-dessus du grand vide nocturne qui avait séparé le Midwest du Mexique, elle l’avait senti. Son sang s’était glacé en apercevant par le hublot les phares de voitures glisser sur une autoroute du Nebraska ou de l’Oklahoma.
Il allait se passer quelque chose de moche.
Elle en était sûre et certaine.
Peut-être même qu’elle l’avait pressenti dès février, au moment d’organiser le voyage. Elle raconta qu’elle avait failli nous en parler à ce moment-là, mais qu’elle n’avait pas voulu tout gâcher, au cas où elle se serait trompée.

15 commentaires sur “Un oiseau vert a fait le printemps

  1. Un livre qui a l’air intéressant, tout autant que la couverture. J’aime bien le vert des plumes et les extraits choisis. Ca donne envie et en même temps, on se demande si le drame ne vire pas en fait au meurtre ?

    1. Le seul moyen de le savoir est de le lire! 🙂
      La couverture intrigue, c’est clair… et je préfère aussi le titre original qui, finalement, fait mieux écho à la couverture: Feathered, ça signifie « plumé » si je ne me trompe pas…

    1. Une bonne idée!
      Je ne pensais pas me laisser « attraper » comme ça par cette lecture. Du coup, j’ai un autre roman de l’auteur sur ma PAL de chevet, histoire de vérifier cet engouement subi(t).

  2. Se laisser séduire par une couverture et aimer le livre ensuite… Voilà une belle découverte, qui me tente aussi (mais j’ai déjà une énorme PAL)…

  3. J’ai lu et adoré A moi pour toujours, mais je n’ai pas encore trouvé le temps de poursuivre ma découverte de cet auteur. Ce n’est pourtant pas l’envie qui manque!

Laisser un commentaire